Que retiendra-t-on de cette cérémonie d’ouverture animée par la comédienne belge Virginie Efira ? L’intervention en direct et en visio-conférence du président ukrainien Volodymyr Zelensky. Les journaux du lendemain en attestent avec ces quelques chapeaux :
Entendons-nous bien, il ne s’agit pas de faire œuvre de négationnisme ni de propagande pro-Poutine. L’agression d’un pays qui n’avait rien demandé à personne par l’armée russe, ses crimes de guerre indiscutables, la violence sans nom et la destruction qu’elle engendre, tout cela est d’une horreur indicible et ne peut que causer peine, détresse et sentiment d’impuissance à nous autres, Européens qui voyons ces évènements se perpétrer à quelques centaines de kilomètres de la Croisette.
Mais ce discours du président ukrainien, était-ce vraiment une bonne idée ? La première édition du festival de Cannes, avortée de 1939, c’est le ministre de la Culture de l’époque, Jean Zay qui en avait conçu l’idée en réaction à la Mostra de Venise. Cette dernière, créée sous le gouvernement du dictateur Benito Mussolini en 1932, avait une orientation politique et propagandiste pas franchement enchanteresse pour représenter avec objectivité le 7e art international. Cannes devait être un festival neutre et apolitique pour ne juger que les films pour ce qu’ils étaient : des œuvres d’art et de partage.
Revenons à Vincent Lindon. Revoir, dans un montage récapitulatif de sa carrière, ses larmes et ses paroles s’étouffer dans sa gorge en recevant le prix d’interprétation pour « La loi du marché » de Stéphane Brizé, en 2015, nous replongeait avec une émotion intacte dans un de ces rares et authentiques moments de grâce qui marque les esprits et l’histoire récente du Festival de Cannes.
Brizé / Lindon, un couple, une amitié, un engagement qui en jette ! 5 films ensemble « Mademoiselle Chambon » (2009) / « Quelques heures de printemps » (2012) / « La loi du marché » (2015) / « En guerre » (2018) et « Un autre monde » (2021). 5 films sur une filmographie qui en compte 70 environ… On ne peut pas les citer tous ni les grands réalisateurs qui l’ont fait tourner… De Bertrand Blier (« Notre histoire » 1984) à Julia Ducourneau (« Titane » 2021).
Vincent Lindon ce mardi 17 mai 2022 prononçait un discours de prise de fonction qui faisait acte de ligne directrice pour lui et ses jurés : avec tout d’abord l’humilité, lorsqu’il s’interroge sur sa légitimité à évoquer les tragédies de la/ des guerre(s) en cours (il évoque aussi le Yemen et le Darfour) ; l’humanisme, quand il parle des rôles de « vaincus », sous-entendu les invisibles et les sans-voix, qu’il aime incarner et à qui il donne chair ; et enfin lyrisme quand il prend de la hauteur et évoque les tyrans du passé dont on a oublié les actions alors que Mozart et d’autres grands artistes restent dans l’histoire. Oui, peut-être sommes nous en train de « danser sur le Titanic », comme l’a dit Monsieur le président Lindon, et nous cautionnons pleinement cette injonction à « être vivants et le savoir ».
La 75ème édition du Festival de Cannes est ouverte… à toutes ces belles utopies. Car le cinéma c’est aussi le pouvoir du rêve, le seul et unique espace de liberté inaliénable.
copyright photos © AFP
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Cannes 2022 : Vincent Lindon, un discours de présidence humaniste et poétique. | myCANAL Mali